vendredi 27 mars 2009

La Trouille du grand soir

 Mesurez-vous que le pays a les nerfs à fleur de peau, que les citoyens ont le sentiment, fût-il erroné, de subir une crise dont nous sommes tous à leurs yeux les fautifs ? Ignorez- vous que la quête des boucs émissaires est une constante de notre histoire et que 1789 se joue en 1788 ? Sentez-vous le grondement populiste, la rancœur des aigris mais aussi le sentiment d’iniquité qui parcourt, comme une lame de fond, le pays ? Voilà la dernière tribune adressée par Alain Minc à ses amis patrons et financiers.
Comment ne pas se réjouir de sentir dans les propos de cet éternel opportuniste une vraie trouille de voir, de nouveau, rouler sur le pavé parisien les têtes de quelques uns de ses amis, la sienne peut-être. Comment ne pas rire de le voir défausser de toute responsabilités ses complices du libéralisme le plus sauvage, vrais faux fautifs, boucs émissaires, que d’affreux populistes, de rancuniers aigris guettent le couteau entre les dents. Comment ne pas se réjouir que des cauchemars de grand soir puissent hanter leur nuit de satin ?
Oui Monsieur Minc et ceux de votre classe dirigeante le danger est à vos portes. Pendant des décennies vous avez capitalisé sur l’instumentalisation des ressources humaines, pendant des décennies vous avez édifié un modèle économique avec pour seule finalité l’accumulation de biens et l’augmentation du profit, détruisant lentement la planète. Pendant des décennies, vous avez arraché des esprits, en ne mesurant la réussite individuelle qu’à l’aune des avoirs, toutes les valeurs collectives, notamment la solidarité. Dans vos entreprises, l’individu est nié, soumis à la seule satisfaction des actionnaires. Pendant des décennies vous n’avez bâti qu’un château de sable capitaliste. Et vous voudriez que les milliers de travailleurs qui sont, tous les jours, lourdés de votre système n’aient pas de rancœur ? Et vous voudriez que les jeunes qui bouchent les pôles emploi n’aient pas comme un petit sentiment d’iniquité ?
Oui, pendant des années, la hantise de votre chômage a freiné les barricades, mais maintenant que votre idéologie est à terre, la peur du lendemain va peut-être changer de camp. Avec quatre millions de chômeurs bientôt et leurs familles à côté ça fait du monde face à votre classe dirigeante… 


Tché Gars

mercredi 11 mars 2009

En attendant le grand soir poétique

Dans L’hiver 1976, dans « Vers le matin des cerises », voilà ce qu’écrivait le grand poète André Laude, récemment disparu :

 

            Une haine folle ravageuse de plus en plus souvent m’inonde

            une haine vigoureuse comme une marée

            une haine plus haute que les tours des architectes modernes

            une haine pour tous ceux qui à coups de haine détruisent

            le temps et la face de l’homme.

 

            …une haine comme un fleuve qui un jour

            entrera dans la ville

            où les hommes danseront pour la neuve liberté

            et plantera enfin un chêne clair dans le sol fertile

           

             En cet hiver 2009, Certains jeunes, pour survivre, s’invitent aux buffets des vernissages, vendent leurs petites culottes sur internet. On parle de combines pour temps de crise, presque avec le sourire...

            Aux Etats-Unis, on a constaté une augmentation de 30% des dons de sperme…

            Mais derrière, qui va fouiller dans le don d’organes, dans la prostitution ?  

 

            Il y a quelques semaines un jeune diplômé sans emploi, après cinq mois de recherche, vingt entretiens et « 300 candidatures » s’était mis lui-même aux enchères sur eBay. Il y a quelques jours un senior ex directeur financier au chômage proposait à un éventuel futur employeur un « bon de réduction » de 50000 euros sur son embauche (500 euros par mois sur environ dix ans). Ce sont, bien sûr, des cas isolés médiatisés, mais qui mettent en confrontation la violence de la société et la dignité humaine, car ces actes risquent d’appeler à la surenchère. Verra-t-on demain dans les locaux d’un pôle emploi, un jeune menacer de s’immoler ?

                        Un récent reportage télévisé montrait l’organisation de marchés sauvages dans la capitale où des pauvres proposaient à des plus pauvres pour quelques euros des produits alimentaires périmés, venant de la grande distribution.

 

            En attendant le large fleuve nettoyant les écuries financières et le grand soir poétique, récemment appelé par les écrivains ultramarins, Patrick Chamoiseau ou Edouard Glissant, reprenons un peu de Jean L’Anselme qui dans son « Discours sur la poésie », à propos de l’utilité de la poésie écrivait : « Si on me demande si la poésie est utile, je réponds que Baudelaire me fait sourire quand il affirme qu’il peut se passer de manger pendant plusieurs jours, mais qu’il ne pourrait pas vivre sans un jour de poésie. Je pense, moi, qu’entre un bol de riz et un livre de poèmes, il faut d’abord dévorer le bol de riz  mais, qu’à partir de ce moment, le livre de poésie a alors, autant d’importance que le bol de riz. »

Tché Gars

mardi 3 mars 2009

Réalité télé

 

            Certains soirs de vigilance sans doute trop rincée par une journée perdue, on se surprend à ouvrir machinalement l’eau tiède du 20 heures. Et là on découvre un visage dont les yeux vous fuient pour l’aimant d’un prompteur et dont les lèvres bruitent un surgissement d’images d’un accompagnement verbal le plus morne possible pour ne pas troubler le bruit des bouches qui volent de soupe en poires. Et là on s’installe dans l’ingurgitation, de minutes en minutes, de sujets qui vont régulièrement vous brûler l’estomac, vous soulever le cœur, vous filer des bouffées de colère, gâcher définitivement  un jour que vous saviez déjà marqué à la pierre noire. Alors qu’on se croyait déjà bien préparé aux ruines du monde, à ses frénésies grossières, à ses clinquants provocants, alors qu’on s’imaginait blindé à la barbarie et à la bêtise humaine, on voit s’excaver toujours plus le sol de notre dignité.

            Ainsi au journal du 25 février 2009, il fallait avaler, en hors d’œuvre, l’indigeste bond des nouveaux chômeurs de janvier, 90000, mais lifté dans la tonalité d’une annonce du nombre de spectateurs d’un quelconque spectacle et éteint par une futile Interview de la ministre Lagarde, en plat principal l’écœurante mais réelle dernière histoire belge, l’organisation d’un concours Miss SDF Belgique 2009 et pour finir, diamant sur le dessert, la vente de Pierre Bergé et ses 375 millions d’euros sortis des poches dorées d’Asie, de Russie ou du Moyen Orient.

            Ce soir là, bien barbouillé, ont tourné et retourné dans mon cœur les visages de ces nouveaux 90000 exclus du sinistre « travailler plus » malheureux futurs locataires du pôle emploi, submergés devant leur écran par cette vague ostentatoire d’argent et marqués par la mascarade de la misère des rues belges et j’ai eu envie de gerber sur cette sinistre lucarne du monde.     

Tché Gars